الأربعاء، 15 يناير 2025

Nouvelle: Val de Fontenay

 Écrit par/ Tasnim TAHA  

 






 

-                Regarde comme il tousse ! ô mon Dieu, que c’est dégoûtant !

La rousse couvrit son long nez avec son écharpe blanche, en râlant à voix haute. Sa voisine blonde l’imita en couvrant son petit nez avec son écharpe bleue et lui répondit avec dégoût :

-                    Et regarde son nez qui coule, et ses yeux qui larmoient ! Mon Dieu, que c’est horrible !

Les deux jeunes femmes cessèrent de parler en remarquant les regards qui se tournaient vers elles et les cous qui s'étiraient pour mieux les observer. Comme chaque matin, le train était bondé, rempli de voyageurs venus des banlieues orientales près de « Disneyland », se rendant à leur travail à Paris.

La femme à l’écharpe bleue brisa le silence en maudissant ce matin désagréable. Elle s’interrogea ensuite sur l’âge auquel cet enfant avait commencé à mendier pour devenir si habile, malgré son jeune âge. La rousse s’étonna qu’en France, des enfants ne fréquentent pas l’école à cause de parents qui les poussent à mendier, sacrifiant ainsi leur innocence. La blonde se demanda alors si ce phénomène se limitait aux Roms et aux Gitans, ou s’il concernait aussi d’autres migrants négligeant l’éducation et l’hygiène de leurs enfants malgré les aides sociales.

Elles s’interrompirent en remarquant le regard agacé d’une étudiante soudanaise assise en face, contrariée par leurs voix fortes qui troublaient sa lecture. Mais elles reprirent leurs discussions bruyantes sans se soucier de son irritation. Leur complicité donnait l’impression qu’elles étaient des amies proches partageant leurs plaintes quotidiennes, plutôt que de simples passagères d’un train de banlieue. Lorsque l’enfant mendiant s’approcha, dégageant une odeur désagréable, l’étudiante soudanaise leva son livre, « Saison de la migration vers le nord » de Tayeb Salih, pour dissimuler son visage contrarié.

La rousse fouilla dans son sac en cuir marron et sortit un mouchoir, feignant un éternuement pour dissimuler son dégoût. La blonde l’imita, puis prit son portefeuille et, avec des doigts tremblants, donna quelques pièces à l’enfant qui la fixait sans aucune innocence dans le regard. Sans un mot de remerciement, l’enfant s’éloigna pour continuer sa quête dans le wagon bondé, où les passagers s’entassaient comme des sardines dans une boîte de conserve.

N'ayant trouvé personne d’autre pour lui donner de l’argent, l’enfant revint vers la rousse, espérant obtenir quelque chose comme avec sa voisine. La jeune femme le regarda avec dégoût avant de tourner les yeux vers la fenêtre, espérant qu’il partirait. Elle ne faisait pas partie de ceux qui donnent facilement, croyant plutôt à la nécessité de chaque « centime » dans un monde capitaliste où les taxes abondent, rendant chaque dépense précieuse et justifiée.

L’enfant ne lâcha pas prise. Il resta planté là, se grattant la tête puis fouillant son nez avec son petit doigt et joua avec sa morve jaune verdâtre. Quand l’indifférence de la blonde dura trop longtemps, il osa tendre sa main jusqu’à frôler son visage. Elle recula instinctivement, dégoûtée et craignant les poux de ses cheveux ébouriffés, et les microbes sa toux sèche.  En retenant son souffle, elle fouilla nerveusement dans son sac, en sortit une pièce qu’elle lui tendit avec une extrême précaution, luttant ensuite contre la nausée et le regret de son geste impulsif.

L’enfant partit chercher des pièces dans la voiture voisine, puis revint rapidement devant la jeune soudanaise, espérant provoquer chez elle le même dégoût. Pourtant, la belle brune resta impassible, feignant d’être absorbée par son roman Saison de la migration vers le nord. Agacée par l’obstination de l’enfant, la rousse lui lança un regard noir, lui reprochant de ne pas s’être débarrassée de lui plus vite. Son dégoût grandissait face à l’indifférence de la jeune Soudanaise, luttant contre la nausée pour ne pas vomir devant tout le wagon.

 Elle continua à lutter contre elle-même, comptant silencieusement jusqu’à cent jusqu’à ce que le train atteigne la station suivante. Dès que le train s’immobilisa et que les portes s’ouvrirent, laissant entrer un flot continu de passagers, elle se leva brusquement, se frayant un chemin parmi la foule, avant de s’élancer hors du wagon. À peine ses pieds touchèrent-ils le sol du quai qu’elle expira profondément, relâchant une tension immense avant de vomir avec violence.

Ces quelques secondes lui semblèrent interminables alors qu’elle était pliée en deux, vidant son estomac avec un mélange de dégoût et de frustration. Lorsqu’un léger soulagement se fit enfin sentir, elle redressa la tête, jetant un regard autour d’elle, gênée, imaginant que quelqu’un l’avait vue et la maudissait en silence. Elle fut soulagée de voir qu’aucune attention ne se portait sur elle.

Dans cette foule matinale, chacun semble absorbé par ses propres préoccupations : l’un écoute de la musique, s’isolant ainsi du monde extérieur, un autre regarde une vidéo sur YouTube, et un troisième est plongé dans un livre ou un journal.

Étant donné que le nez est l’un des rares sens pour lequel aucune distraction n’existe, les mauvaises odeurs restent une source de dérangement inévitable pour les Parisiens, jusqu’au jour où une pandémie de coronavirus les contraindra à porter des masques dans les transports en commun. Ils s’amuseront alors à choisir des modèles en coton aux couleurs vives et à les parfumer de leurs senteurs préférées, rendant ainsi vaines toutes les tentatives des mendiants de susciter dégoût et répulsion pour glaner quelques pièces. Elle s’essuya la bouche d’un geste rapide avec un mouchoir en papier, continuant à maudire ce matin répugnant et les mendiants, tout en observant le train s’éloigner. Son cœur se serra en voyant l’horloge de la station, réalisant qu’elle n’avait pas seulement perdu un euro, mais aussi probablement cinq ou dix autres, qui seraient déduits de son salaire par son patron implacable, toujours vigilant face aux moindres retards.

En pensant à son supérieur qui comptait les minutes de retard, elle perdit toute illusion d'arriver à temps à son travail, à la station Charles de Gaulle - Étoile, avant neuf heures. La nausée l'envahit à nouveau. Pour se ressaisir, elle fit quelques exercices de respiration et se rappela que sur cette ligne RER A, la plus fréquentée d’Europe, l’attente entre les trains ne dépassait généralement pas trois minutes aux heures de pointe. Cependant, son soulagement fut de courte durée lorsqu’une voix douce et féminine résonna dans les haut-parleurs, annonçant l'interruption totale du trafic en raison d'une personne descendue sur les voies à la station Torcy.

Elle laissa échapper un cri en lisant les écrans d’information, son pessimisme grandissant lorsqu’elle surprit la conversation de deux personnes à côté d’elle. L’un pensait qu’il s’agissait probablement d’une tentative de suicide d’un ivrogne, d’un sans-abri ou d’un désespéré, comme il y en avait tant en région parisienne, tandis que l’autre prédisait une attente de plus d’une heure si ses soupçons se confirmaient.

Elle lâcha un « Merde ! » lourd de frustration, traînant les pieds jusqu’à un banc libre où elle s’effondra, répétant inlassablement « Merde... ». Elle ne comprit véritablement que la malchance l’avait frappée que lorsqu’elle aperçut, à cinq mètres sur sa gauche, ce regard de prédateur posé sur elle. Ses yeux perçants, tels ceux d’un rapace en quête de sa proie, se fixaient sur elle, tandis qu’il se grattait les cheveux encore plus en bataille, sa langue léchant une morve jaunâtre.  

Un frisson glacé parcourut son dos, et elle se sentit soudainement paralysée, impuissante. Un tourbillon de questions tourbillonnait dans sa tête, cherchant une issue, jusqu'à ce qu'un éclair de lucidité la frappe : il était inutile de lutter contre le destin, s’il avait décidé qu’elle croiserait encore ce garçon répugnant.

Résignée, elle fixa le panneau de la station, énonçant lentement le nom de la gare étonnée :

-                Val de Fontenay, quelle station !

En prenant conscience de ce qui l’attendait avec ce garçon, elle avala péniblement sa salive. Et elle se résigna.

 

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