Je l’écoutais attentivement, suspendue à ses lèvres, tandis qu’il m’expliquait les différents rites qui accompagnent les cérémonies de mariage.
Je m’imaginais déjà dans ma tenue traditionnelle rouge,
semblable à celle de sa sœur sur les photos, prête à accomplir le dernier
rituel du « Aljertiq ».
J’avais hâte de vivre cette atmosphère coutumière, et
surtout de sentir sur ma peau les souffles de lait de mon mari, censés garantir
la longévité de notre union.
Mon fiancé fit défiler les photos avant de s’arrêter sur une
dernière image où il apparaissait torse nu. Derrière lui, un jeune homme tenait
un fouet de cuir dans sa main droite.
« C’est mon cousin, » m’expliqua-t-il. « Son mariage a eu
lieu il y a trois ans, dans le village de Kaboshiya, non loin de Shandi. »
J’avalai ma salive.
Il rangea son téléphone dans sa poche, puis commença à me
parler fièrement d’une coutume appelée « Betan », pratiquée, selon lui, par la
majorité des tribus de sa région.
Il m’expliqua que, lors de cette cérémonie, les jeunes
hommes se portent volontaires pour être fouettés publiquement, afin de prouver
leur courage. Le fouet, souvent en cuir, s’abat sur leur dos nu — mais,
disait-il, la douleur s’efface sous les chants des jeunes filles et les
applaudissements des femmes.
Un nœud me serra l’estomac. Je ne dis rien.
Soudain, il se tut, déboutonna sa chemise, puis se pencha en
avant, la tête reposant sur le volant. Sur ses épaules et le haut de son dos,
je découvris des cicatrices profondes.
Je ne pus me contenir :
— C’est quoi, cette sauvagerie ? criai-je, la main sur le
ventre pour calmer la tension qui m’envahissait.
Il redressa le dos et reboutonna lentement sa chemise. Sa
voix, teintée de fierté, résonna :
— Je ne vois aucune sauvagerie. Ce sont nos coutumes, et
nous en sommes fiers. Le goût de la victoire fait oublier la douleur, tu sais.
On en vient même à ignorer le sang qui coule.
Je le regardai, les yeux écarquillés.
Il poursuivit, souriant :
— Ne t’en fais pas, cette coutume ne concerne que les
hommes. Ce sont eux qui doivent prouver leur bravoure pour attirer les plus
jolies filles, celles qui accepteront d’épouser des hommes courageux.
Je tournai la tête vers la fenêtre, fuyant l’image de son
dos marqué. Mon regard se posa sur une femme dans la rue, occupée à gronder son
enfant. Quand je revins à lui, il m’observait en souriant. Une angoisse sourde
m’envahit : et si l’homme que j’allais épouser saignait la nuit de nos noces ?
Comme s’il avait lu dans mes pensées, il se hâta de me
rassurer :
— Ne t’inquiète pas, ma chérie… le mari ne se fait pas
fouetter.
J’avalai ma salive.
— …Mais, ajouta-t-il avec un sourire malicieux, c’est moi
qui fouetterai mes amis et mes cousins pour qu’ils paient leurs dettes.
Je pris une longue inspiration et tentai de lui répondre par
un sourire.
Je me demandais quelles autres surprises m’attendaient
encore dans le pays de mon futur mari.
Comme s’il avait deviné mes pensées une seconde fois, il
posa sa main sur mon genou et dit d’une voix douce :
— Rassure-toi, tu ne découvriras que de belles choses dans
ma famille. Ils sont très gentils, et ils ne considèrent pas les Égyptiens
comme des étrangers. Tu sais, le Soudan et l’Égypte étaient un seul pays
autrefois. Je voulais seulement te raconter ce rite pour t’éviter le choc…
comme celui qu’a eu ma mère.
Je soufflai lentement.
— …Je ne voudrais pas que tu restes enfermée une semaine
dans ta chambre, refusant de me parler, comme l’a fait la compatriote de ta
mère avec mon père, ajouta-t-il en souriant.
Je hochai la tête, les lèvres étirées en un sourire
reconnaissant, les yeux plongés dans les siens — entre gratitude et amour.
